L'équilibre, du tapis à la vie
Devenir conscient de sa capacité à être maître de soi. Se saisir de son temps et choisir quel rythme lui donner. Cette prise de conscience est tout à fait cruciale car, en réalité tout ce qui nous appartient est la qualité de notre présent.
Urgent et délicat, ce présent nous échappe chaque fois que nous ne lui portons pas notre attention. Seulement l’attention, à la différence du temps, n’est pas infinie. L’attention exige une hiérarchisation, une prise de position sur ce qui mérite d’être traité en priorité. Cette conscience appelle nécessairement une intention. Elle implique de s’interroger sur ce que nous désirons, sur ce qui nous anime.
C’est là toute l’importance de l’intention, et plus précisément l’importance de savoir entendre ses intentions authentiques plutôt que celles que nous fabriquons par habitude ou par convention.
Le yoga libère souvent cet accès à nos intentions car dans une pratique, nous nous livrons à une observation de nos sensations physiques et mentales. Au delà même de l’expérience immédiate d’une posture, la manière dont on se livre à cet exercice est révélatrice. Ce que l’on exige de soi, comment l’on s’accepte, ce que l’on tolère, comment l’on gère la difficulté, comment l’on célèbre ses réussites, se reflètent dans notre pratique de yoga. Ce sont autant de sensations que le corps nous propose d’entendre -avec une honnêteté et une fidélité auxquelles l’outil physique est astreint. Sa marge de camouflage est très réduite, il ne peut ni cacher, ni prétendre. Dans la posture, nous sommes humbles et nos intentions se dévoilent. Physiquement il est nécessaire d’être raisonnable, au risque de se blesser. De savoir différencier une juste tension qui nous prépare et nous rend plus fort ; et une douleur qui nous affaiblit et nous nuit. Seul face à soi, dans l’intériorité d’une posture, il nous appartient de nous écouter, de nous connaître, de nous vouloir du bien, de nous protéger, et de nous surpasser sans donner cours à des désillusions néfastes. Cela exige de respecter ce que l’on souhaite et ce que l’on peut, d’engager un jeu délicat entre audace et sécurité, d’écouter l’équilibre subtil entre volonté d’amélioration et résilience. Peu à peu, avec une pratique régulière, cette discipline s’inscrit dans le corps et le mental développe une intuition similaire.
Souvent d’ailleurs, lorsque l’on a une pratique régulière de yoga, en résonance à cette obligation physique, nous nous trouvons à réorganiser fondamentalement d’autres aspects de nos vies qui méritent d’être rééquilibrés.
En yoga, la posture nous aide à réconcilier ce que nous sommes et ce que nous voulons être. L’équilibre est cette sagesse avec laquelle nous organisons deux forces qui peuvent être complémentaires ou ennemies. L’une serait un ancrage ferme et l’autre un élan dynamique. Cette tension est celle-là même que nous subissons chaque jour, mais sa résolution dans une posture est beaucoup plus évidente. Un cours de yoga est ce moment de dialogue interne, où nous apprenons à comprendre un peu mieux ce qui nous fait du bien et ce qui ne nous en fait pas.
Nous faisons du yoga comme nous sommes. La pire manière de partager le yoga est de s’en servir pour adopter un style de vie qui assurerait une existence plus heureuse, une vie mieux vécue. Nous sommes tous différents et ce qui fonctionne pour les uns ne fonctionne pas nécessairement pour les autres.
L’intérêt du yoga, tel que nous pouvons le concevoir en Occident, est qu’il nous aide à créer un temps d’accalmie pendant lequel il devient possible de nous écouter. Et par conséquent de se rendre chacun capable de s’entendre un peu mieux avec soi.